Paul Virilio. Cybermonde, la politique du pire. Entretien avec Philippe Petit. Paris, Les Editions Textuel, 1996. 

Nouvelles technologies et progrès “Au XIXe , il pouvait y avoir une naïveté vis-a-vis du progrès technique et même du progrès social. On pouvait excuser une pensée qui n’envisageait pas la dimension totalitaire des technologies nouvelles (...) Les nouvelles technologies sont des technologies de la cybernétique. Les nouvelles technologies de l’information sont des technologies de la mise en réseaux des relations et de l’information et, en tant que telles, elles véhiculent bien évidemment la perspective d’une humanité unie, mais aussi d’une humanité réduite à une uniformité. (...) Vanter les mérites des nouvelles technologies, c’est certainement utile àla publicité des nouveaux produits, je ne pense pas que ce soit utile à la politique des nouvelles technologies.” (12-3). “Face à l’objet technique quel qu’il soit, il faut de nouveau diverger. Il faut devenir critique. L’impresionnisme est une critique de la photographie et le documentarisme une critique de la propagande. Donc, aujourd’hui, il faut inaugurer une critique d’art des technosciences pour faire diverger le rapport à la technique” (...) “Seule la critique peut faire progresser la culture technique” (34). “On ne combat une invention que par une autre invention. On ne combat une idée que par une autre idée, par un autre concept” (35). 

“Le même idealisme qui a provoqué les catastrophes et les dégâts du Xxe siècle recommence aujourd’hui. Je ne suis absolument pas contre le progrès, mais nous sommes impardonnables, après les catastrophes écologiques et éthiques que nous avons connues - aussi bien Auschwitz que Hiroshima - de nous laisser piéger par l’espèce d’utopie qui laisse croire que la technique apportera enfin le bonheur et une humanité plus grande” (77) 

 

Les scientifiques et le conflict.  

“Simplement, il faut inventer une divergence. Cette fois, c’est aux scientifiques d’inventer un impresionnisme, un cubisme et un documentarisme à l’échelle de la menace (...) Les poètes, les peintres, les cinéastes ont été des hommes de la divergence. Le problème est de savoir si les scientifiques sauront l’être. Ils sont mis dans la même position que les poètes face au nazisme, je pense à Paul Celan ou García Lorca” (37). 

 

technologies et democratie  

“La tyrannie du temps réel n’est pas très eloignée de la tyrannie classique, parce qu’elle tende à liquider la réflexion du citoyen au profit d’une activité réflexe. La démocratie est solidaire, elle n’est pas solitaire, et l’homme a besoin de réfléchir avant d’agir. Or le temps réel et le présent mondial exigent du téléspectateur un réflexe qui est déjà de l’ordre de la manipulation. La tyrannie du temps réel est un assujettissement du téléspectateur. La démocratie est menacée dans sa temporalité, puisque l’attente d’un jugement tend à être supprimée. La démocratie, c’est l’attente d’une décision prise collectivement. La démocratie live, la démocratie automatique, liquide cette réflexion au profit d’une réflexe. C’est l’audimat qui remplace l’élection, c’est la carte à puce glisée dans le téléviseur qui remplace la déliberation” (85) 

“Le salut nous viendra de l’écriture et du langage. Si nous refondons la langue, nous pourrons résister. Sinon, nous risquons de perdre la langue et l’écriture. Ensuite, en reprenant l’autre pour ne pas le perdre, c’est-à-dire en refusant le divorce. Si nos sociétés continuent d’aller vers une individualité solitaire, à travers le couple séparé et la famille monoparentale, il n’y aura pas de résistance possible” (...) “Enfin, il faut reprendre monde. Il ne faut plus fantasmer sur l’au-delà du monde, sur l’au-delà de la Terre et sur l’au-delà de l’homme” (...) “L’homme n’est pas le centre du monde, il est la fin du monde. Il n’y a pas d’homme améliorable. Il n’y a pas d’eugénisme de l’espèce humaine.” (86) 

 

Archivo personal de Juan Carlos Tedesco Material inédito 

15-JCT Computación  

Título del archivo Word: Virilio 

Fecha del archivo: 19 de mayo de 1997